Connaissez-vous les saveurs et la cuisine traditionnelles ou contemporaines des Autochtones du Québec? En ce moment, des chefs de toutes les Nations s’affairent à nourrir le coeur et le ventre des curieux avec leurs créations résolument gastronomiques.
Maxime Lizotte, de la Nation malécite, pilote le projet Wigwam, un service de chef à domicile qui fait rayonner la gastronomie autochtone dans les chaumières québécoises. Mais qu’est-ce que la cuisine autochtone? « Pour moi, c’est une cuisine qui utilise ce qui nous entoure de façon responsable », explique Maxime Lizotte, qui décrit son art comme de la création culinaire autochtone moderne. Chef à domicile, le cuisinier fait rayonner les ingrédients typiques de sa communauté. Dans la longue liste de produits que l’on trouve dans la province, on compte des trésors de la mer (poissons, algues, oursins), beaucoup de végétaux méconnus (carottes sauvages, sapin fumé, quenouilles) et des aromates sauvages. Dans son menu dix services qui se renouvelle chaque saison, le chef prend soin d’intégrer des techniques traditionnelles, comme le fumage, qu’il bonifie d’autres pratiques, dont la lactofermentation. Son but? Préserver le produit lorsqu’il est au plus frais. Et puisque Maxime Lizotte ne jure que par les produits locaux et saisonniers, il doit rivaliser d’ingéniosité pour préserver ses précieuses trouvailles pour les rudes hivers.
De son côté, Norma Condo a ouvert son restaurant Miqmak Catering Indigenous Kitchen à Pierrefonds, dans l’ouest de Montréal. Dans sa cuisine, elle prépare des plats traditionnels réconfortants que les Autochtones et les non-autochtones s’arrachent. « Je n’ai pas fait de publicité, il n’y a eu que du bouche-à-oreille, et les gens se sont mis à me contacter! », s’étonne-t-elle. Parmi ses spécialités, on compte le plat traditionnel des Trois soeurs, un mijoté de courge, haricots et maïs, ainsi que les cakes de saumon avec relish d’algues, une recette issue de sa communauté. « Dans mes plats, je n’utilise pas de sel, pas de poivre et pas d’épices du commerce. Cependant, j’utilise beaucoup de cèdre et de sauge, que je cultive moi-même. C’est tout! », explique-t-elle.
En effet, les ingrédients utilisés dans la cuisine autochtone sont sans sel et sans sucre, et ils sont extraits de la forêt de la manière la plus respectueuse possible. « Je trouve ça important de respecter la Terre mère. Les Autochtones considèrent leur environnement comme quelque chose de précieux. Pour nous, c’est spirituel, et il faut faire perdurer ces croyances-là », poursuit Maxime Lizotte, qui soulève une mise en garde: si les produits de la forêt boréale ont la cote, il ne sont pas toujours récoltés avec le soin nécessaire. Le thé du Labrador ou la mousse de caribou, par exemple, doivent être cueillis avec parcimonie afin d’assurer la pérennité. « Autrement le produit va l’emporter sur la sécurité des espèces. Qu’est-ce qu’on choisit? Quand on ne récolte pas ces produits comme il faut, on puise dans les réserves des prochaines générations », se désole-t-il.
Le succès d’une gastronomie
Dans la plupart des communautés autochtones, le savoir se transmet de vive voix. Pour Norma Condo, comme pour Maxime Lizotte, le partage des connaissances est une valeur de base. La cheffe micmaque donne des ateliers de cuisine aux non-initiés, tandis que le cuisinier malécite a choisi d’embrasser une carrière de chef à domicile pour mieux échanger avec ses clients. Et le succès est au rendez-vous! À l’été 2018, ils ont d’ailleurs participé à l’événement culinaire À la rencontre des grands chefs, au Fairmont Le Château Frontenac de Québec, qui jumelait 11 chefs québécois à 11 chefs de Nations autochtones.
Autre bon signe de succès: l’ouverture récente du réputé restaurant Sagamité, deuxième adresse du couple Steeve Gros-Louis et Niva Sioui, qui propose de faire découvrir la culture wendate aux visiteurs du Vieux-Québec, à quelques pas du mythique Fairmont Le Château Frontenac. Avec une carte davantage axée sur la culture et l’histoire gastronomique des des Premières Nations, Sagamité offre toute l’authenticité d’une table raffinée dans un univers autochtone ayant pignon sur la rue Saint-Louis. Une expérience culinaire ralliant tradition et modernité, n’est-ce pas exaltant?
Situé à Wendake, le restaurant La Traite de l’Hôtel-Musée Premières Nations propose, quant à lui, de perpétuer une tradition d’échange millénaire grâce à sa table unique qui célèbre l’abondance de la nature, inspirée de la gastronomie des Premières Nations. On peut y déguster avec finesse les fruits de la chasse, de la pêche et de la cueillette qui font partie d’un menu exclusif où transparaissent les us et coutumes des Hurons-Wendat. Le décor est tantôt chaleureux, grâce aux effluves d’un feu de foyer, tantôt champêtre, à la faveur de la magnifique terrasse. Et en saison, le charme de la nature s’ajoute aux plaisirs de la bonne chère.
La gastronomie autochtone servirait-elle de pont entre les cultures? Maxime Lizotte abonde en ce sens: « L’idée est exportable et la sagesse aussi », affirme-t-il.